Le Crocodile Aventurier


 

Un crocodile encore bébé, se reposait dans les broussailles. 


Quelle chaleur répétait-il à qui voulait l’écouter. Il venait d’abandonner ses marécages de Floride et, sans guide, il recherchait une île où se reposer.


‘’ Ai-je voyagé trop près de la ligne d’horizon, le soleil n’arrête pas de me cuire de ses rayons!’’


Vint alors un gros bourdon qui faisait plein de tapage, il zigzagait de fleur en fleur, rapportant les commérages qui couraient dans le jardin.


“De tous les coins de cette île, c’est ici qu’il fait plus frais” bourdonne-t-il sans s'arrêter car il est tout à son affaire “Grand-père Cafard s’est coincé une antenne dans un placard. Les souris ont entamé les premiers fruits du manguier, et la Reine, ma dulcinée, s’est levée du mauvais pied!’’


Le crocodile qui était tout nouveau dans le quartier, lui demande de l’aider. ‘’Savez-vous où est la pluie? S'est-elle cachée quelque part? Suis-je passé sans la voir?’’


“La pluie boude car le soleil refuse de lui laisser sa place!" lui répond le gros bourdon qui reprend ses commérages “Les cafards ont découvert une cache sous l’armoire et le rat va les aider ce soir à déménager….”


Un lézard qui se protégeait de la chaleur dans une papaye, tendit l’oreille. Qui donc avait encore la force de se plaindre dans ce jardin où tous, bien que décidés à s’accorder quelque fraîcheur, restaient cachés?


Il sortit pour voir qui c'était et surpris de voir un bebe, si petit, si courageux, se mit à le complimenter. Le bourdon, postillonnant d'enthousiasme, mit tout le monde au courant, et chacun sortit bientôt de la fraîcheur de son trou pour aller se rallier à la troupe des mécontents. Avec le petit crocodile et le lézard qui le suivait, on se mit à protester contre l’ardeur du soleil, à appeler la pauvre pluie qui timide, restait cachée.


Le soleil qui connaissait le crocodile lui fit hommage. Pas pour son courage mais pour l’avoir de son côté: les crocodiles de Floride se fiaient dès leur naissance à la chaleur de ses rayons et ce bébé avait suivi sa lumière pour arriver à l’île qui flottait sur la mer. Il allait pouvoir l’aider à faire plier les mécontents.


La pluie, elle, qui se cachait ne savait pas qui il était, ce héros dont le bourdon n'arrêtait pas de parler. Tentée de le rencontrer, elle sortit de sa cachette. Elle aussi le reconnut, c'était un de ces crocodiles qui la buvaient avec délice quant la sécheresse menacait leur marécage, en Floride. Elle aussi lui fit hommage : pour son courage d’avoir pris sa cause dans la résistance.


Mais comme le soleil et la pluie, toujours brouillés, se retrouvaient en même temps dans le ciel, le petit héros crocodile, parce qu'il était de leur côté, réussit à les séparer: On fit une courbe de couleurs sur une table de banquet qui enjambait tout l'océan - le rose était pour les jours le soleil pouvait briller, le rouge était pour indiquer qu’il était temps de s'arrêter, le bleu le vert pour l’aviser de laisser la pluie tomber; et l’ensemble des couleurs, pour un jour comme celui-ci: un jour de grande amitié le soleil avec la pluie sortaient ensemble pour assurer qu’il n’y aurait plus de mécontents car tous étaient satisfaits.


C’est ainsi qu’un crocodile venu de lointains marécages devint, sans l’avoir voulu, héros d'une île et son jardin.




Sylvie Mochiri Miller

No comments:

Post a Comment